Gioachino Rossini (1792-1868)
Petite messe solennelle (1863)
Voici l’œuvre étrange d’un étrange compositeur, l’œuvre tardive (1863) d’un compositeur précoce qui, en 1804, écrit à douze ans ses Sonates à quatre pour cordes, et à quatorze ans, en 1806, son premier opéra Demetrio e Polibio ; qui, après avoir connu avec ses opéras un immense succès européen, s’arrête d’en composer en 1829, à 37 ans, et ne produit plus rien après le Stabat mater de 1832. Après une longue dépression, il ne reprend qu’à partir de 1855 la composition de petites pièces pour le salon qu’il tient à Passy et qu’il regroupe sous le titre de Péchés de ma vieillesse. Compositeur étrange parce que difficilement classable : profondément ancrés dans le 18e siècle, son esthétique et son langage musical sont plus proches de Haydn et de Mozart que de Beethoven, Schubert ou Mendelssohn — dont pourtant on perçoit parfois des échos.
Comme son admirateur Stendhal, il se rattache au romantisme sans en partager les angoisses et le goût du pathos. Il garde lui aussi une aimable distance par rapport à ce qu’il évoque et sait ne pas trop se prendre au sérieux. C’est aujourd’hui souvent pour ses opéras-comédies qu’il est le plus apprécié : dans Le Barbier de Séville, L’Italienne à Alger ou Le Turc en Italie, il met son invention au service de livrets astucieux et ce sont là des exemples inégalés d’opéras vraiment comiques. Dans Le Voyage à Reims, il traite avec une plaisante distance comique un sujet très officiel, le couronnement de Charles X. Ses opéras sérieux, à sujet tragique (Otello, Tancredi, Semiramis…), après avoir connu un long purgatoire, sont de nouveau joués et enregistrés.
Notre sensibilité est peut-être excessivement modelée par l’esprit de sérieux que nous ont légué le romantisme et la religiosité de l’Europe du Nord réformée. Le compositeur anglais Ralph Vaughan-Williams reçut comme une illumination en entendant le Requiem de Verdi, qui échappait à l’esthétique compassée, de bon ton, qui sévissait alors dans la musique religieuse britannique : d’abord « choqué par son sentimentalisme et son sensationnalisme sans retenue », il réalise ensuite que cette musique « sentimentale, théâtrale, et même parfois facile, était pourtant un impressionnant chef d’œuvre » et découvre « qu’il n’y a rien en soi de vulgaire ou d’impur ; en somme, qu’il n’existe pas de canons de l’art, sauf celui que renferme la formule sois fidèle à toi-même ». C’est dans de semblables dispositions que nous devons ouvrir nos oreilles à la musique de Rossini et, en particulier, à sa Petite messe solennelle.
Rossini, fidèle à son caractère, a entouré sa messe de commentaires plaisants : « Bon Dieu, la voilà terminée cette pauvre petite messe. Est-ce bien de la musique sacrée que je viens de faire ou bien de la sacrée musique ? J’étais né pour l’opera buffa, tu le sais bien ! Peu de science, un peu de cœur, tout est là. Sois donc béni et accorde-moi le Paradis.» En tête de la partition figure cette présentation (dont nous repectons l’orthographe) : « Douze chanteurs de trois sexes Hommes, Femmes et Castrats seront suffisants/ pour son exécution, savoir huit pour les chœurs, quatre pour les solos, total douze Chérubins./ Bon Dieu pardonne-moi le rapprochement suivant ; Douze aussi sont les apôtres dans le célèbre / coup de mâchoire peint à fresque par Léonard dit La Cène, qui le croirait !/ il y a parmi tes disciples de ceux qui prennent de fausses notes !! Seigneur/ Rassure-toi, j’affirme qu’il n’y aura pas de Judas a mon Déjeuné et que/ Les miens chanteront juste et con amore tes louanges et cette petite/ Composition qui est Hélas le dernier Péché mortel de / ma vieillesse ». Toutefois, ces facéties verbales ne doivent pas nous faire croire à une plaisanterie musicale : Rossini, qui est croyant, considère que sa foi peut s’exprimer dans le langage qui est le sien dans ses opéras. Comme avant lui Monteverdi, Haendel, Mozart et bien d’autres, il transpose le langage de l’opéra dans une œuvre sacrée. Cependant, si sa messe use d’effets parfois spectaculaires, elle ne comporte pas les fioritures et ornements vocaux virtuoses qui, dans ses opéras, répondaient aux exigences tant des chanteurs que du public. Par ailleurs, vers 1859-1860, les témoins rapportent que Rossini improvise beaucoup au piano et qu’il se passionne pour la musique de Bach (il est parmi les premiers abonnés aux publications de la Bachgesellschaft) : la messe porte la trace de ces improvisations et de cet intérêt.
Le langage musical de Rossini
Il plonge ses racines chez Mozart et Haydn et accentue certaines tendances présentes chez ce dernier : l’emploi de motifs courts, qu’il varie et développe ; de brusques contrastes d’intensité ; la coloration de certains moments par des accords isolés ff (fortissimo) ou par de longues tenues (rappelons à nos lecteurs le sens des indications musicales d’intensité : f = forte, p = piano, ff = fortissimo, pp = pianissimo, et Rossini utilise aussi fff et ffff, ppp et même pppp). Avec Beethoven, il a en commun, sans qu’on puisse parler d’influence, l’élan rythmique qui emporte un mouvement vers un crescendo et les suites d’accords fff séparés par des silences. Propre à Rossini est la façon d’accompagner les chœurs ou les airs par de brefs motifs, souvent très rythmés, voire extrêmement dansants, et variant constamment dans leur harmonie. Il utilise beaucoup pour cela des marches harmoniques, qui consistent à exposer un même motif dans plusieurs tonalités successives, souvent séparées par un ton ou un demi-ton. Ce procédé qui peut engendrer la monotonie est chez lui au service de progressions calculées, des crescendos dramatiques qui, selon Stendhal (dont la Vie de Rossini, loin d’être purement biographique, s’attache souvent à définir les principes de son langage) constituent une des originalités et des mérites de sa manière.
La Petite messe solennelle
« Solennelle » est au 19e siècle une messe chantée comportant toutes les parties de l’office (Rossini a écrit en 1820 une Missa di Gloria limitée au Kyrie et au Gloria, par ailleurs très développés) ; « petite », elle l’est par l’effectif réduit qu’elle réclame, prévue qu’elle était pour une exécution (en 1864) dans la demeure privée de la comtesse Louise Pillet-Will, femme d’un banquier : douze chanteurs (dont quatre solistes), deux pianos et un harmonium – ou un accordéon. On se contente aujourd’hui le plus souvent d’un seul piano. Rossini produira avant de mourir une version orchestrale de sa messe et il semble bien qu’il ait déjà pensé orchestralement quand il a composé la version avec piano et accordéon, tant certains accompagnements et effets dynamiques paraissent calculés plutôt pour l’orchestre.
KYRIE
Kyrie eleison ; Christe, eleison(en grec)
« Seigneur, prends pitié ! Christ, prends pitié »
1er Kyrie
Les deux Kyrie reposent sur un accompagnement rythmique marqué et régulier, qui confère à ce début un caractère particulièrement dynamique. Un deuxième motif apparaît, chanté par le chœur, d’abord polyphoniquement, puis de façon plus regroupée. Une deuxième phase, avec un accompagnement un peu différent, est marquée par de forts contrastes d’intensité (Kyrie chanté ppp, eleison f) et de fréquents « soufflets » (pp passant au ff et revenant au pp). Le mouvement s’éteint ppp.
Christe
Le chœur seul (a cappella) interprète une page polyphonique en style ancien, à la manière de Palestrina, et dont Rossini a emprunté le thème à une messe de Niedermeyer, directeur d’une école de musique originale (où Fauré sera élève) dont l’enseignement reposait sur l’ancienne musique chorale polyphonique. Ce mouvement montre l’intérêt de Rossini pour d’autres musiques que l’opéra.
2e Kyrie
Il reprend les motifs rythmiques du premier et si les voix présentent beaucoup de ressemblances avec le premier Kyrie, elles s’en différencient néanmoins par de nombreux détails, comme les contretemps des sopranos. Il se termine encore plus pp, morendo.
GLORIA
Comme le veut la tradition, il se décompose en six mouvements, dont les deux extrêmes sont confiés au chœur et les autres chantés par les solistes, seuls ou diversement associés.
Gloria
Gloria in excelsis Deo
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux »
Et in terra paxhominibus bonae voluntatis
« Et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté »
Laudamus te,benedicimus te, adoramus te, glorificamus te
« Nous te célébrons, nous te bénissons, nous t’adorons, nous te glorifions »
Après une double suite de trois accords ff, chacun suivi d’un trait rapide, le chœur proclame haut et fort la gloire de Dieu. Puis, en contraste avec ce début éclatant, la basse solo introduit pppp et in terra… sur fond d’accords répétitifs du piano, et les autres solistes effectuent leur entrée également ppp. Après un Glorificamus te un peu plus animé, le chœur entre à son tour et termine cette partie sur un Glorificamus te étonnamment discret (sotto voce), contrairement à la tradition.
Gratias (contralto, ténor, basse)
Gratias agimus tibi propter magnam gloriam tuam
« Nous te rendons grâce pour la grande gloire qui est la tienne »
Une introduction au piano, commençant par quelques octaves plaquées fortement, laisse place à un motif d’accompagnement qui baigne toute la première partie du mouvement où, toujours discrètement, les trois solistes déploient une certaine polyphonie. Tout d’un coup, un Mi à l’unisson généraléclate ff sur gloriam tuam avant une descente chromatique du piano aboutissant à une reprise du thème par les solistes sur un accompagnement plus fluide de formules arpégées. Malgré d’assez importantes variations d’intensité, la tendance dominante reste celle d’une discrétion recueillie.
Domine Deus (ténor)
Domine Deus, Rex caelestis, Deus Pater omnipotens, Domine Fili unigenite Jesu Christe Altissime, Domine Deus, Agnus Dei, Filius Patris
« Seigneur Dieu, Roi du ciel, Dieu Père tout-puissant, Seigneur Fils unique Jésus-Christ le Très Haut, Seigneur Dieu, Agneau de Dieu, Fils du Père »
Le mouvement, très différent du précédent présente, dès ses premières notes, une allure presque martiale pour évoquer Dieu le Père tout-puissant ; la première mention du fils est marquée par un certain assouplissement, mais le caractère martial l’emporte de nouveau jusqu’à un point culminant avec le La aigu de unigenite. Puis vient une section centrale beaucoup plus tendre sur Agnus Dei, un passage curieusement schubertien avec son flottement entre majeur et mineur. Le retour au Roi des cieux est aussi celui du mouvement martial et entraînant, aux éclats de voix théâtraux, jusqu’à une conclusion éclatante, que modèrent quelques mesures de piano plus discrètes avant un unisson inattendu ff sur Do.
Qui tollis (soprano et contralto)
Qui tollis peccata mundi, miserere nobis, qui tollis peccata mundi, suscipe deprecationem nostram
« Toi qui enlèves [ou portes] les péchés du monde, aie pitié de nous ! Toi qui enlèves les péchés du monde, accueille notre prière ! »
Qui sedesad dexteram Patris, miserere nobis
« Toi qui es assis à la droite du Père, aie pitié de nous ! »
Ce duo féminin suggère d’abord, dans une séquence homophone, le poids des péchés du monde. Puis les deux voix se séparent et miserere, répété, se fait de plus en plus suppliant, sur un fond d’arpèges suggérant la harpe employée dans la version orchestrale. Vient un nouvel épisode où les deux solistes interviennent en longues séquences alternées avant de chanter à nouveau de façon homophone sur deprecationem nostram, puis d’alterner et de se décaler sur un nouveau miserere. Un qui sedes plus solennel et homophone précède la reprise de miserere en crescendo par deux fois, lequel, après quelques ornements, s’éteint graduellement.
Quoniam (basse)
Quoniam Tu solus Sanctus, Tu solus Dominus, Tu solus Altissimus, Jesu Christe
« Parce que Toi seul Tu es Saint, Toi seul es le Seigneur, Toi seul es le Très-Haut, Jésus-Christ »
Une introduction pp forme transition, puis un départ énergique expose un thème d’allure beethovenienne. La basse entre ensuite assez discrètement avec un nouveau thème, puis le thème énergique revient au piano, ensuite repris par le soliste. Apparaissent deux nouveaux thèmes, qui reviendront, et dont le second est très lyrique. Ces diverses séquences se terminent régulièrement sur un Jesu Christe triomphal, repassent au pp, puis de nouveau aux accents triomphaux, jusqu’à ce que le piano reprenne des échos du début ; une suite d’accords arpégés forme transition avec la partie suivante.
Cum sancto spiritu (chœur)
Cum Sancto Spiritu, in gloria Dei Patris, Amen
« Avec le Saint-Esprit, dans la gloire de Dieu le Père. Amen »
Après quelques accords arpégés ff suivis d’une formule rapide, le chœur déroule une brève séquence solennelle. Puis les sopranos exposent le thème d’une fugue, constitué de deux fragments (le second sur amen). Cette fugue rapide et dansante constitue comme une danse joyeuse à la gloire de Dieu et du Saint-Esprit. Les voix y alternent, se chevauchent, se retrouvent ensemble, se dissocient de nouveau, se décalent en contretemps, le tout de façon échevelée, endiablée, serait-on tenté de dire… Gloria in excelsis chanté de façon homophone ouvre la voie à l’amen final assez développé et aux accords triomphaux du piano.
CREDO
Credo (solistes et chœur)
Credo in unum Deum
« Je crois en un seul Dieu »
Patrem omnipotentem, factorem coeli et terrae, visibilium omnium et invisibilium
« Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de tout ce qui est visible et invisible »
Et in unum Dominum Jesum Christum Filium Dei unigenitum et ex Patre natum ante omnia saecula, Deum de Deo, lumen de lumine, Deum verum de Deo vero, genitum non factum, consubstantialem Patri per quem omnia facta sunt, qui propter nos homines et propter nostram salutem descendit de caelis
« Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, Dieu issu de Dieu, lumière issue de la lumière, Dieu vrai issu du Dieu vrai, engendré et non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été créé, qui pour nous les hommes et pour notre salut est descendu des cieux »
Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine, et homo factus est.
« Il a pris chair de la Vierge Marie par l’action du Saint Esprit, et il a été fait homme. »
Le compositeur a inventé le terme d’allegro cristiano pour préciser le tempo de ce mouvement que le piano ouvre dynamiquement ; puis le verbe credo est martelé ff , soulignant l’importance de la foi pour le dogme catholique. In unum Deum Patrem omnipotentem est en revanche énoncé pp. La suite alterne les interventions des solistes et celles du chœur réaffirmant avec force credo. Le chœur expose avec énergie per quem omnia facta sunt et les paroles qui suivent, en particulier descendit de caelis, énoncé par toutes les voix sur le même rythme. De même plus loin pour et homo factus est, séquence généralement traitée avec modestie, mais que Rossini accentue de façon triomphale, concevant peut-être l’Incarnation comme la véritable victoire, parce qu’étant la conciliation du divin et de l’humain.
Crucifixus (soprano)
Crucifixus etiam pro nobis, sub Pontio Pilato passus et sepultus est.
« Il a aussi été crucifié pour nous, sous le gouvernement de Ponce Pilate il a subi sa passion et a été mis au tombeau. »
Sur un accompagnement rythmique toujours identique du piano, dont l’accordéon soutient les harmonies, la soprano chante d’abord une série de petites séquences séparées par des silences, puis se lance dans une phrase plus longue qui aboutit à un climax vocal sur le mot passus avant de retomber brusquement pp sur et sepultus. Crucifixus est repris en une marche harmonique ascendante figurant peut-être le moment où la croix est peu à peu dressée. Puis le début revient avec des variantes jusqu’à un nouveau climax sur passus, et le mouvement s’éteint dans le recueillement.
Et resurrexit (solistes et chœur)
Et resurrexit tertia die, secundum Scripturas, et ascendit in caelum, sedet ad dexteram Patris, et iterum venturus est cum gloria judicare vivos et mortuos, cujus regni non erit finis
« Et il est ressuscité le troisième jour, conformément aux Ecritures, et il est monté au ciel, il est assis à la droite du Père, et il reviendra dans sa gloire juger les vivants et les morts, lui dont le règne n’aura pas de fin »
Et in Spiritum Sanctum, Dominum et vivificantem, qui ex Patre Filioque procedit, qui cum Patre et Filio simul adoratur et conglorificatur, qui locutus est per prophetas, et unam, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam.
« Et au Saint-Esprit, Seigneur et donnant la vie, qui procède du Père et du Fils, qui avec le Père et le Fils est conjointement adoré et glorifié, qui a parlé par l’intermédiaire des prophètes, et à l’Eglise, une, sainte, universelle et apostolique. »
Confiteor unum baptisma in remissionem peccatorum
« Je reconnais un seul baptême pour la rémission des péchés »
Et expecto resurrectionem mortuorum et vitam venturi saeculi.
« Et j’attends la résurrection des morts et la vie du temps à venir.
Le recueillement précédent est déchiré par le cri du chœur annonçant la résurrection ; une descente à l’unisson des quatre voix sur secondum scripturas précède la réaffirmation de credo. Les solistes interviennent brièvement et le chœur évoque solennellement le retour du Christ pour juger les hommes et commencer son règne éternel. Les solistes et les chœurs alternent pour énumérer les points suivants du dogme en insistant sur l’évocation de l’Église, puis le chœur seul se charge d’affirmer la foi dans le baptême, la rémission des péchés, l’attente de la résurrection des morts et surtout celle de la vie dans l’autre monde : Et vitam venturi saeculi donne lieu à une nouvelle fugue enjouée qui clôt le Credo. Le sujet de la fugue est accompagné d’un contre-sujet sous la forme d’une gamme ascendante. Comme dans la fugue du Gloria, amen offre un élément plus libre, une sorte de ponctuation joyeuse, parfois développée plus longuement avant que le sujet principal ne revienne, passant d’une voix à l’autre. Une séquence d’amen sur une longue tenue des basses précède la strette (moment où les voix reprennent le sujet principal en entrées très rapprochées) qui, traditionnellement, achève une fugue. Le mouvement se termine sur un amen prolongé, tantôt polyphonique, tantôt homophonique, que suit une brève et discrète intervention du piano et des solistes, avant un dernier credo du chœur et une conclusion fff par les instruments.
Preludio religioso (piano)
Il est destiné à l’offertoire, sorte de pause durant la messe (autrefois moment où les fidèles apportaient leurs offrandes). Les voix se taisent durant ce passage constitué d’un bref prélude et d’une longue fugue très chromatique : son thème « en croix » évoque celui fondé sur les lettres B.A.C.H. et l’on peut interpréter tout ce morceau comme un hommage à Bach que Rossini admirait beaucoup.
Ritornello
Bref morceau de transition dont la fonction est de permettre au chœur de trouver sa note dans l’accord parfait de Do majeur après le Prélude qui se terminait par celui de Fa# majeur.
Sanctus
Sanctus, Sanctus, Sanctus, Dominus Deus Sabbaoth,
pleni sunt caeli et terra gloria ejus.
« Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu des armées célestes,
les cieux et la terre sont remplis de sa gloire. »
Hosanna in excelsis
« Hosanna au plus haut des cieux »
Benedictus qui venit in nomine Domini.
« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. »
Dans cette pièce a cappella, le chœur et les solistes alternent d’un bout à l’autre : généralement, ce sont les solistes qui chantent les Hosanna, tandis que le chœur interprète des séquences plus méditatives (Benedictus…), mais c’est à lui que revient le Hosanna final ff.
O Salutaris (soprano)
O salutaris hostia, O victime qui apportes le salut,
Quae coeli pandis ostium, Qui ouvres grand l’entrée du ciel,
bella premunt hostilia, Des guerres funestes [nous] accablent
da robur, fer auxilium. Donne de la force, porte secours.
Rossini a ajouté pour la version orchestrale de la messe quatre versets d’une prière de Saint Thomas d’Aquin destinée à la Fête-Dieu, et que Liszt a également mise en musique. Cet ajout doit fournir à la soprano un rôle équilibrant celui de la contralto dans l’Agnus Dei. Dès les premières mesures au piano, nous respirons l’atmosphère de Mozart et de Haydn, qui cède à des accents plus rudes quand la guerre est évoquée. La reprise du thème principal en Sol mineur le colore d’une passagère mélancolie. Puis Rossini revient longuement sur bella premunt et deux marches harmoniques (sur bella, puis da robur) donnent une fin solennelle à ce mouvement avant que le piano ne le prolonge dans une discrétion que rompt l’accord final.
Agnus Dei(contralto et chœur)
Agnus Deiqui tollis peccata mundi, miserere nobis
« Agneau de Dieu, toi qui portes les péchés du monde, aie pitié de nous »
Dona nobis pacem.
« Donne-nous la paix. »
L’introduction au piano est d’intensité très contrastée. Puis un accompagnement rythmique régulier se met en place, qui ne s’interrompra presque jamais. La soliste déroule une première supplication de plus en plus ardente dont les mélismes conclusifs sont brièvement relayés par le chœur a cappella. Le même processus se répète deux fois encore dans des tonalités différentes et avec bien des variantes dans la partie de contralto. Puis, chœur et soliste conjuguent leur supplication : la soliste s’exprime souvent en courts fragments et le chœur revient régulièrement à sa séquence homophone sur dona nobis pacem. Le rythme de l’accompagnement se modifie pour le dernier dona, et le mouvement se termine aux instruments, avec de forts contrastes et les derniers accords fff.
Philippe Torrens (Chœur d’Oratorio de Paris)
Bibliographie : à nos lecteurs qui voudraient en savoir plus, nous recommandons la Vie de Rossini de Stendhal, publiée en 1823 et reprise dans la collection Folio (n°2433), Rossini : l’opéra de lumière de Damien Colas (Gallimard Découverte, 1992), Rossini de Gérard Denizeau (Bleu nuit, 2009) et les deux brefs, mais éclairants, chapitres que Jack-Alain Léger consacre à Rossini dans Place de l’Opéra, 2012, Paris, éditions Cartouche (« Pour le plaisir » p. 23-28 et « Pour Rossini… Aria d’ironia, p.79-85 »).